Nous, les autres de Toula Drimonis

Dans un Québec moderne, au prise avec un gouvernement de la CAQ qui s’entête à instrumentaliser l’immigration pour des fins bassement politiques, il est impératif d’entendre les voix migrantes, qu’elles soient de première, de deuxième ou de troisième génération.

Il est impératif de connaitre leurs histoires, de s’ouvrir à la simple et crue réalité que derrière ces sempiternels débats de chiffres, derrière ces considérations obtuses – expressions de peur et d’insécurité – il y a des rêves, il y a des drames. Il y a d’innombrables succès et d’innombrables échecs. Bref, il y a des hommes et il y a des femmes. Il y a des humains, il y a des vies humaines.

A cet égard, le livre de Toula Drimonis est une contribution majeure dans la construction d’un Québec moderne, plus empathique, plus inclusif, plus ouvert, moins figé, par ce qu’otage d’un passé mythifié.

“Je suis ici pour vous parler de nous, pour une fois” écrit-elle. A toustes de “s’arrêter, de se tirer une bûche et de prêter l’oreille”.

Il y a deux récits dans ce que nous raconte Toula Drimonis. Premièrement, elle nous parle de son père, de sa mère, des conditions qui ont prévalu à leur migration au Canada au début des années 60. Leur parcours qui fût celui de bien d’autres immigrants de cette époque, du travail acharné qu’ils ont dû accomplir pour reconstruire leur vie, pour élever leur enfants, pour leur assurer une stabilité financière et une éducation apte à ce qu’ils et qu’elles s’intègrent dans leur nouvel environnement.

Toula Drimonis nous raconte aussi la réalité des migrants de 2ème génération, à la fois d’ici et d’ailleurs, à la fois québécois.e.s, canadien.ne.s et d’ailleurs. Brandissant parfois, cachant souvent leurs multiples identités combattant tant bien que mal l’image d’étrangers perpétuels, d’invités éternels qu’on leur renvoie plus ou moins consciemment.

Elle dresse un éloquent plaidoyer démontrant que la “pluralité n’est pas une menace à la cohésion sociale. C’est un accroissement et un cadeau dans un monde en constant changement”. Bref, que le métissage est une richesse.

Nous, les autres est un ouvrage très précieux à l’orée d’un changement d’ère, où l’on s’apprête à passer d’une ère d’obsession identitaire maladroite et grotesque à une ère d’obsession identitaire passablement plus agressive.

Toula Drimonis nous invite “à la patience, la foi et l’ouverture à la différence”. Nous en aurons bien besoin pour combattre cette peste brune qui malheureusement semble se profiler à l’horizon.

(Publié dans la revue A Babord, numéro 101)
Nous, les autres de Toula Drimonis
Traduction de l’anglais par Mélissa Verreault
Editions Somme Toute
Janvier 2024